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Entretien avec Moha Fedal, propriétaire et chef de cuisine du Dar Moha Marrakech.
22 Dec. 2022
22 Dec. 2022
Avec son emblématique chapeau trilby et son grand sourire, le chef Moha Fedal remplit chaque pièce qu’il traverse d’une incroyable dose de joie et d’amour, deux ingrédients qu’il insuffle également dans chacune de ses recettes, ce qui lui vaut d’être une star de la gastronomie marocaine !
Fort d’une expérience professionnelle de plus de 15 ans en Suisse et diplômé de la prestigieuse École Hôtelière de Genève, le chef Moha est retourné dans son pays natal pour rendre hommage aux traditions et aux recettes qui l’ont fait tomber amoureux de la bonne chère.
Il a apporté sa touche personnelle aux recettes ancestrales (qui lui ont été transmises de génération en génération, par sa mère, ses tantes, ses cousins et même un ancien chef de l’emblématique La Mamounia). Aujourd’hui, le chef Moha est propriétaire et chef du Dar Moha à Marrakech , ainsi que de quelques adresses internationales à Madrid et à Paris..
Moha Fedal : Mon nom est Moha Fedal. Je suis né et j’ai grandi à Marrakech mais, après le lycée, j’ai quitté la ville pour intégrer une école hôtelière. Je suis propriétaire et chef de cuisine d’un restaurant à Marrakech appelé Dar Moha, et de quelques autres établissements à l’étranger.
Moha Fedal : J’ai rencontré beaucoup de personnes, tout au long de mon parcours. Et puis Marrakech a toujours été une ville touristique, où l’on peut croiser beaucoup de gens : les riches, les pauvres, les Français, les Américains… c’est une ville multiculturelle, et cela m’a aidé à élargir mes perspectives. Avant de vouloir être chef, je voulais être hôtelier. Mon rêve, après avoir terminé mes études secondaires, était de découvrir le monde extérieur et de ne pas rester au Maroc. Et la meilleure façon de le faire était d’étudier à l’étranger, et je voulais travailler dans l’industrie hôtelière.
Pourquoi cela, précisément ? Vous voyez, quand j’étais petit, je passais devant La Mamounia et les gardes, qui étaient à la porte, nous demandaient de traverser la route. Cela m’a toujours intrigué. Je voulais voir le luxe, la beauté de l’endroit.
Mais quand je suis allé à l’École Hôtelière de Genève, j’ai découvert que j’avais un penchant pour la cuisine. Nous avons travaillé dans le restaurant de l’école même, et j’ose dire que j’ai réalisé que j’avais un don pour cela. Le chef me disait souvent : “Je suis content car quand je te donne un travail, tu le fais bien”. Il m’a fallu longtemps pour rejoindre définitivement la brigade de cuisine.
Moha Fedal : Je suis né ici et ma famille y vit. J’ai quitté la ville quand j’étais jeune et quand j’ai acheté le riad où se trouve aujourd’hui le Dar Moha, je me suis donné 2 ans pour redécouvrir mon pays et faire marcher le restaurant. J’ai fait une pause dans ma vie en Suisse, et je suis revenu pour commencer cette nouvelle aventure.
Lorsque le chef Moha est revenu au Maroc, après avoir passé de nombreuses années à se perfectionner en Suisse, il a jeté son dévolu sur un lieu magnifique qui était autrefois la résidence de Haj Idder, chambellan du Pacha Glaoul, l’homme le plus puissant de tout le Royaume. Des années plus tard, le Riad sera acquis par le couturier Pierre Balmain, qui y laissera son sens de l’élégance et de l’esthétique.
En septembre 1998, le chef Moha invite enfin le public à entrer dans son restaurant, Dar Moha, et à découvrir pour la première fois la cuisine révolutionnaire qui fera de Marrakech un haut lieu de la gastronomie. Dans le somptueux riad – décoré dans le style opulent traditionnel du Maroc, les invités peuvent s’asseoir autour de la piscine en mosaïque, entourée d’arbres et de plantes exotiques ou à l’intérieur sous les lustres, pour déguster le menu du chef.
Moha Fedal: Quand je suis entré dans le Riad, ça a été le coup de foudre. J’ai travaillé pour l’avoir et je l’ai laissé tel qu’il était. C’est vraiment un palais du 18e siècle.
Au début, j’imaginais le riad comme une maison d’hôtes où je cuisinerais également, mais j’ai remarqué que les clients revenaient surtout pour la nourriture. C’est pourquoi, lorsque j’ai obtenu la licence, je me suis lancé à 100% dans le restaurant.
Au début, je ne savais que faire de la cuisine internationale. Je connaissais beaucoup moins la cuisine marocaine, à l’exception des plats de ma mère, bien sûr. Et je me suis dit “Après tout, ce riad est marocain, alors pourquoi ne pas essayer la cuisine marocaine mais en la rendant fraîche et moderne?”.
Moha Fedal : La cuisine marocaine est très complexe, j’ai donc invité de nombreux locaux à venir partager leurs secrets avec moi.
J’ai été le premier à apporter des changements à la cuisine traditionnelle, comme cuisiner en plus petites portions pour que les invités puissent goûter plusieurs plats, ou penser à des plats qui combinent les produits marocains avec des saveurs à la fois locales et internationales, comme notre célèbre Couscous au foie gras.
Moha Fedal : Je n’ai pas de plat préféré ; chaque nouveau plat est excitant et plein de possibilités. Cependant, il y en a quelques-uns qui me viennent à l’esprit comme le Couscous au foie gras mentionné plus haut, l’Aubergine sucrée à la pâte d’amande, la Pastilla au magret de canard…
J’ai également un faible pour les plats qui ont été primés. En 2018, j’ai remporté le premier prix pour mon Tangia. En 2020, c’est le plat Trid qui m’a valu un prix. Le Trid est un plat spécial qui est généralement préparé lorsqu’une femme accouche.
Moha Fedal : En effet, je me bats pour que le Maroc soit représenté sur la scène internationale, et pour préserver le patrimoine gastronomique et l’identité du pays. J’ai été choisi pour essayer de faire reconnaître notre couscous et notre cuisine par l’UNESCO.
Récemment, je me suis engagé à ce que la Tangia fasse partie du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Aujourd’hui, le Tangia est fait dans une cocotte-minute alors que traditionnellement il était préparé et cuit dans une jarre en terre cuite… et on ne fabrique plus la jarre. Cette pratique est en train de disparaître.
Si nous nous battons pour faire reconnaître ce plat et cette pratique, alors peut-être que cette ancienne tradition perdurera. Cela permettra également de sauver des emplois, comme ceux des artisans qui préparent le Tangia ou des potiers qui fabriquent les jarres en argile. Si ces métiers artisanaux sont reconnus par l’UNESCO, ils continueront à exister.
Grâce à sa participation à de nombreuses plateformes et événements internationaux, le chef Moha a contribué à mettre en lumière la riche histoire culinaire du Maroc. Il a souvent été choisi comme ambassadeur du Maroc pour divers événements importants tels que le SIAL (Salon International de L’alimentation) qui s’est tenu à Abu Dhabi, l’Exposition universelle de Milan, où il faisait partie du pavillon marocain, et ses compétences ont même été sollicitées par l’ambassade britannique pour la visite officielle du prince Harry et de Meghan en 2019. Et en 2014, le chef Moha se faisait connaître en tant que membre du jury de l’édition marocaine de la populaire émission télévisée MasterChef.
Moha Fedal : Pour un lieu secret, je dirais l’endroit où je suis né et où j’ai passé mon enfance, les jardins de l’Agdal. Mon père était un paysagiste de la ville, et c’est l’endroit magique où j’ai grandi. C’est vraiment un endroit qui ressemble à la campagne mais dans la médina ; 500 hectares de jardins qui font partie du palais royal. Sinon, mes endroits préférés seraient La Mamounia qui m’a donné envie de faire de l’hôtellerie dans ma jeunesse, le souk aux épices de Mellah, place des Ferblantiers, où j’achète mes épices, mais aussi des fruits et légumes. Et enfin, je dirais le Musée des Confluences, dans le Palais Dar El Bacha. Le bâtiment est magnifique et se trouve juste en face du restaurant.
Entrée : Petites saveurs tièdes et croustilles du chef
Plat : Tagine de souris d’agneau aux baby légumes de saison
Dessert : Sorbets et glaces de saison avec sablé Marocain
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